68. Les événements stressants de la vie qui surviennent pendant la grossesse peuvent-ils modifier les associations entre l’exposition aux phtalates et la distance anogénitale? (résumé simplifié)

(Do stressful life events during pregnancy modify associations between phthalates and anogenital distance in newborns?) Arbuckle TE, MacPherson SH, Barrett E, Muckle G, Séguin JR, Foster WG, Sathyanarayana S, Dodds L, Fisher M, Agarwal A, Monnier P, Walker M, Fraser WD. Environmental Research. 2019 Oct;177:108593. doi: 10.1016/j.envres.2019.108593

Les phtalates appartiennent à un groupe de composés chimiques soupçonnés d’être des perturbateurs endocriniens. Ces derniers peuvent interagir avec les systèmes hormonaux et nuire au développement et à la fertilité de l’enfant. Les phtalates sont utilisés dans les plastiques pour les assouplir et en accroître la flexibilité. Ils entrent aussi dans la fabrication de nombreux produits de consommation (p. ex., fixatifs pour cheveux, vernis à ongles, shampoings).

Chez les garçons, la distance anogénitale est l’espace qui sépare l’anus du pénis et, chez les filles, celui qui sépare l’anus du clitoris. Cette distance a été utilisée comme marqueur du développement du système reproducteur. Chez les garçons, la distance anogénitale est considérée comme un marqueur d’une exposition fœtale précoce aux androgènes (hormone sexuelle mâle) et de l’apparition de caractères sexuels masculins. La distance anogénitale est habituellement plus longue chez les garçons que chez les filles. Des chercheurs ont émis l’hypothèse selon laquelle certains phtalates perturberaient l’action des androgènes, ce qui serait associé à une réduction de la distance anogénitale chez les garçons.

Dans une étude menée aux États-Unis, les femmes enceintes qui affichaient des taux plus élevés de certains phtalates (mesurés dans l’urine) avaient des bébés de sexe masculin avec une distance anogénitale réduite, mais uniquement si elles n’avaient rapporté aucun événement stressant durant la grossesse. La présente étude visait à vérifier si des résultats similaires seraient observés dans l’étude MIREC.

Les taux de phtalates ont été mesurés dans les échantillons d’urine du premier trimestre de grossesse des participantes de MIREC. Dans le cadre de l’étude MIREC-ID, les femmes ont été interrogées pour savoir si elles avaient vécu des situations stressantes pendant leur grossesse. Les femmes ayant déclaré un ou plusieurs événements stressants durant leur grossesse ont été classées dans le groupe « stress élevé », et celles qui n’en avaient déclaré aucun, dans le groupe « stress réduit ». Le poids, la taille et la distance anogénitale des nourrissons ont été mesurés peu de temps après leur naissance. Les phtalates soupçonnés d’être des perturbateurs androgéniques ont été mesurés dans les échantillons d’urine des mères. Les chercheurs ont utilisé des modèles statistiques pour examiner les associations entre les taux de phtalates chez les mères et la distance anogénitale dans les groupes de stress élevé et stress réduit.

Des données étaient disponibles pour 153 nourrissons de sexe féminin et 147 de sexe masculin. La quantité totale de phtalates qualifiés de perturbateurs androgéniques a été associée à des distances anogénitales significativement plus longues chez les filles du groupe « stress élevé ». Chez les garçons, tous les phtalates ont été associés à une distance anogénitale supérieure, peu importe le groupe. Contrairement à l’étude menée aux États-Unis, les chercheurs de la présente étude n’ont pas observé de réduction de la distance anogénitale chez les garçons exposés in utero aux phtalates, et ce peu importe le niveau de stress durant la grossesse rapporté par leur mère.

En conclusion, cette étude n’a pas permis de reproduire les résultats de l’étude américaine. D’autres études seront nécessaires pour confirmer si l’association entre une distance anogénitale plus longue chez les filles et les taux de perturbateurs des androgènes chez les mères est bien réelle, et s’il y aurait un quelconque effet à long terme sur la fertilité des petites filles. Des recherches approfondies utilisant d’autres mesures du stress maternel et menées auprès d’autres populations pourraient permettre de déterminer si le stress prénatal modifie de façon importante les associations entre les phtalates (ou d’autres substances chimiques) et la distance anogénitale.